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samedi 19 août 2017

Lettre à Paul

Tu es parti comme une fusée. 
On a tourné le dos une seconde, celle d'après nous étions privés de ton sourire, de ta voix, de tes mains.
Je ne crois pas encore à ton départ. Pour l'heure, il pèse sur mon cœur comme une mauvaise farce que le temps devrait effacer.
Tu es parti comme une fusée, et je ne t'ai pas perdu, mais j'ai peur de te perdre.
Je revis notre première rencontre dans ma tête, je ré-écoute tes mots qui m'ont tant marquée.
Et surtout, Paul, surtout.
Je revois tes mains autour de mes enfants. Je revois tes câlins.
Je ne sais pas envisager la douleur d'Esther.
Je ne sais pas envisager qu'on déshabillera les murs de ton cabinet.
Je ne sais pas envisager que je ne t'enverrai plus de photos de mes filles qui grandissent. Tu les as protégées, tu as été leur "avocat" d'après tes propres mots, quand elles ne pouvaient pas encore me dire leurs maux.

J'ai envie de dire des gros mots, Paul, je te jure que j'ai envie de jurer à n'en plus pouvoir. Tu me comprends peut-être, toi que les gros mots ne gênaient pas tant que ça.

Paul, je veux écrire tes blagues, je veux décrire tes effusions de joie et de colère, je veux te remercier jusqu'à plus soif d'avoir été un pilier si fiable, si robuste, si rassurant dans mon expérience de la maternité. Je ne veux oublier aucun des secrets que je t'ai confiés, aucune des larmes que j'ai versées devant toi, aucun des élans de reconnaissance que j'ai ressentis à tes côtés. 
Tu as tellement donné la vie qu'on n'imaginait pas qu'un jour, on te prendrait la tienne.
Cela fait 48 heures, Paul, que des bébés naissent sans tes mains pour les accueillir, et ça me révolte. 
Je mesure le privilège qui est le mien. Car chaque jour de la vie de mes filles, je pourrai les regarder et revoir sur leur petit dos, l'empreinte de tes mains immenses.
Je ne sais quel hommage te faire. Je ne veux pas arrêter là ma lettre. Je voudrais écrire jusqu'à ne plus avoir mal, mais soyons honnêtes... 

Mes filles m'attendent. Je dois aller les baigner, les soigner, les nourrir, les coucher.

Continuer ce que tu as commencé, Paul. Continuer ce que tu as commencé.

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